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Balaji Katlai
Consultant fiscal, Kreston GTA, Canada
Balaji Katlai est conseiller fiscal chez Kreston GTA au Canada, où il est spécialisé dans les services de conseil fiscal nationaux et transfrontaliers. Balaji est un conseiller fiscal hautement qualifié, spécialisé dans la planification fiscale et les services de conseil pour les entreprises et les particuliers canadiens. Sa vaste expérience s'étend des entreprises gérées par leur propriétaire et des sociétés professionnelles aux start-ups et aux entreprises de taille moyenne.

Des enjeux de plus en plus importants : Les systèmes d’actionnariat salarié au Canada

October 11, 2024

Au Canada, les plans d’actionnariat salarié, en particulier les Employee Option Trusts (EOT), ont bénéficié d’une exonération de l’impôt sur les plus-values en juin de cette année. Dans l’étude 2024 de Kreston Global, les entrepreneurs américains ont désigné les plans d’actionnariat salarié comme leur premier choix pour lever des fonds afin de se développer à l’échelle mondiale. Les plans d’actionnariat salarié ne sont plus seulement un programme de fidélisation du personnel ; sont-ils une stratégie viable pour les PME qui cherchent à lever des capitaux ?

En juin 2024, le Canada a augmenté l’impôt sur les plus-values, laissant les entreprises réfléchir à leurs options. Les EOT, introduites dans la législation canadienne en 2023, pourraient être l’une de ces options. Présentées comme un moyen efficace de lever des fonds, de fidéliser le personnel et, grâce à l’exonération des plus-values, de réaliser des économies, les EOT peuvent-elles offrir ces avantages aux entreprises canadiennes dans la pratique et atteindre la même popularité que celle observée sur d’autres marchés nord-américains ?

Balaji Katlai, conseiller fiscal chez Kreston GTA Canada, qui possède une vaste expérience en matière de conseil aux clients nationaux et transfrontaliers au Canada sur diverses questions fiscales, donne son point de vue sur les aspects pratiques des EOT pour les entreprises de taille moyenne.

Plans d’actionnariat salarié et croissance

À l’instar des États-Unis et du Royaume-Uni, les régimes d’actionnariat salarié au Canada pourraient désormais jouer un rôle clé dans la stimulation de la croissance économique. Les régimes d’actionnariat salarié aident les entreprises à préserver leur trésorerie, à aligner les intérêts de leur personnel sur les objectifs à long terme de l’entreprise et à rendre cette dernière plus attrayante pour les investisseurs extérieurs. Au Royaume-Uni, l’introduction des plans d’actionnariat salarié en 2014 a entraîné une forte augmentation des conversions en actionnariat salarié, ce qui a profité à la fois aux employeurs et aux salariés. Le Canada s’apprête à suivre ce modèle, dans le but de stimuler une croissance similaire dans le secteur de l’actionnariat salarié.

Cependant, Katlai explique que la mise en œuvre de ces trusts au Canada n’est pas simple.

“Une fiducie d’actionnariat salarié est une forme de plan de succession d’entreprise, mais au Canada, elle peut être complexe à administrer”, explique M. Katlai. “La législation fiscale et la gouvernance qui l’entourent donnent l’impression qu’il s’agit d’un exercice académique – quelque chose dont on apprend l’existence mais qui est difficile à mettre en pratique, à moins qu’il n’existe des situations spécifiques susceptibles de répondre à toutes les exigences en matière de conformité et de planification”

Cadre du système canadien d’actionnariat des salariés

Les régimes d’actionnariat salarié consistent généralement à offrir aux salariés une participation dans l’entreprise, que ce soit par le biais d’options d’achat d’actions, d’achats directs d’actions ou, dans le cas des EOT, d’une fiducie qui détient collectivement les actions des salariés. Dans le futur cadre canadien, les salariés détiendront des participations individuelles sur leur propre compte, à l’instar des plans d’actionnariat salarié américains (ESOP). Ce modèle diffère de celui du Royaume-Uni, où les fiducies d’actionnariat salarié détiennent des actions collectivement. En offrant aux travailleurs des droits de gouvernance et une part des bénéfices de l’entreprise, ces régimes garantissent que les salariés ne sont pas simplement des travailleurs, mais des copropriétaires.

Toutefois, M. Katlai souligne que la gestion de ces régimes peut s’avérer complexe, notamment lorsqu’il s’agit de concilier les besoins des salariés-propriétaires et la croissance future de l’entreprise. Il note que si les incitations fiscales et les droits de gouvernance sont attrayants, “le grand défi est que les salariés, par l’intermédiaire de la fiducie, doivent être propriétaires de l’entreprise. Cela signifie qu’un prêteur doit être prêt à financer la fiducie pour acheter l’entreprise, et se fier à la gestion de l’entreprise et à la capacité de rembourser la dette au prêteur – ce qui n’est pas toujours facile. Les prêteurs canadiens peuvent hésiter parce que la fiducie est détenue par les employés et qu’ils doivent être sûrs que l’entreprise peut rembourser.

Les programmes d’actionnariat salarié contribuent également à créer une main-d’œuvre plus stable. Les études montrent que les salariés propriétaires sont plus attachés à leur entreprise, ce qui réduit le taux de rotation et accroît le savoir institutionnel. M. Katlai reconnaît qu’en principe, “une main-d’œuvre engagée ayant un intérêt financier dans l’entreprise est plus susceptible de contribuer au succès à long terme”.

Incitations fiscales sur les plus-values

La récente augmentation de l’impôt sur les plus-values en juin 2024 encourage les chefs d’entreprise à opter pour la transition vers l’actionnariat salarié. En vertu de la nouvelle législation, les premiers 10 millions de dollars d’une vente transférée par l’intermédiaire d’une EOT seront exonérés de l’impôt sur les plus-values. Cette politique vise à faciliter la transition pour les chefs d’entreprise proches de la retraite, surtout si l’on considère le nombre élevé d’entrepreneurs vieillissants au Canada qui n’ont pas de plan de succession. Alors que l’on estime que trois petites et moyennes entreprises sur quatre au Canada devront changer de propriétaire au cours de la prochaine décennie, cette incitation fiscale pourrait être le facteur décisif pour de nombreuses personnes qui décideront de transférer la propriété de leur entreprise à leurs employés plutôt qu’à des sociétés de capital-investissement ou à des concurrents.

Si cette incitation fiscale est attrayante pour les propriétaires d’entreprise, M. Katlai note que les complexités administratives peuvent être importantes. “Il y a une période de détention de deux ans pendant laquelle les employés doivent maintenir la gouvernance. S’ils ne le font pas, le vendeur, qui bénéficie d’une déduction de 10 millions de dollars au titre des plus-values, pourrait perdre cet avantage. C’est risqué pour le vendeur et, s’il existe d’autres solutions pour vendre une entreprise, l’option de l’EOT n’est peut-être pas aussi attrayante.”

Les nouvelles règles relatives aux plus-values sont également peu incitatives pour les salariés, qui ne sont généralement pas soumis à l’impôt sur les plus-values tant qu’ils ne vendent pas leurs actions ou ne perçoivent pas de dividendes, comme les autres détenteurs d’actions.

Tirer les leçons des modèles britannique et américain

La nouvelle législation canadienne s’inspire largement des structures d’actionnariat salarié qui ont fait leurs preuves au Royaume-Uni et aux États-Unis. Au Royaume-Uni, neuf entreprises sur dix qui sont passées à l’actionnariat salarié par le biais d’EOT se déclarent satisfaites du processus et le recommanderaient à d’autres entreprises. De même, aux États-Unis, les ESOP offrent des avantages fiscaux substantiels aux entreprises dont les salariés détiennent au moins 30 % du capital.

La loi sur l’investissement en actions des salariés proposée aux États-Unis, qui permet un financement par emprunt à faible taux d’intérêt de la part de la Small Business Administration, a montré que les cadres politiques peuvent jouer un rôle crucial dans l’expansion de l’actionnariat salarié. Toutefois, M. Katlai ne croit pas qu’il s’agisse d’une carotte financière pour toutes les entreprises du Canada. “Dans certaines zones rurales où les entreprises sont petites et très proches les unes des autres, comme une laiterie de 15 employés en Alberta, l’actionnariat salarié peut fonctionner. Mais il s’agit là d’un scénario de niche. Pour la plupart des entreprises canadiennes, en particulier celles situées à proximité des grands centres, la complexité des règles et l’hésitation des prêteurs rendent cette solution difficile à mettre en œuvre.

Fonds de capital-investissement ou fonds d’actionnariat salarié

Lorsqu’il s’agit de choisir entre la vente à un fonds de capital-investissement ou un plan d’actionnariat salarié, chaque option a ses avantages et ses inconvénients. Le capital-investissement permet généralement un accès plus rapide au capital et peut conduire à une croissance rapide de l’entreprise. Cependant, il entraîne souvent une perte de contrôle, car les sociétés de capital-investissement peuvent restructurer ou revendre l’entreprise. En outre, les ventes de capital-investissement ne bénéficient pas des exonérations d’impôt sur les plus-values dont bénéficient les EOT.

D’autre part, l’actionnariat salarié offre une stabilité à plus long terme et permet de garder le contrôle au niveau local. C’est une bonne option pour les chefs d’entreprise qui souhaitent préserver la culture et la vision de l’entreprise. M. Katlai fait remarquer que “pour de nombreux propriétaires, le choix se résume à leurs objectifs à long terme pour l’entreprise”. Le principal obstacle réside dans le fait que les employés, par l’intermédiaire de la fiducie, doivent être propriétaires de l’entreprise. Cela signifie qu’un prêteur doit être disposé à financer la fiducie pour acheter l’entreprise. Les fiducies d’actionnariat salarié peuvent prendre jusqu’à dix ans pour rembourser entièrement le prêteur, ce qui représente une longue attente pour le prêteur et le vendeur.

Conclusion

M. Katlai estime que les EOT sont une solution de niche et qu’il existe peut-être d’autres options à envisager. “Les propriétaires d’entreprises ordinaires qui vendent une entreprise typique continueront probablement à donner la priorité aux avantages fiscaux traditionnels, tels que l’incitation à l’innovation pour les entrepreneurs canadiens et l’exonération à vie des plus-values. Toutefois, pour les grandes entreprises, qui se vendent entre 50 et 100 millions de dollars, les fiducies d’actionnariat salarié pourraient devenir une option, à condition qu’un capital mezzanine ou un autre type de prêt soit disponible pour financer la vente”.

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